Approche méthodique d'un poème
(suite et fin)
B)
Images concernant le soldat |
Connotations |
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Cette phase pourrait déboucher sur ce qui suit :
A)- les images concernant la nature :
- «où chante une rivière» : bruit assimilé à un chant- ‘’voix humaine-mélodie’’ sont éliminées. ‘’Joie’’ transféré au bruit de l’eau, nature=joie
Silence du soldat (muet à jamais) s’oppose au chant de la rivière.
- «un petit val qui mousse…» : un val ne mousse pas. Au sens strict, cela pourrait signifier que le val est devenu une substance mousseuse, faite au moyen de rayons. L’emploi métaphorique de ‘’mousser’’ emplit le val d’une mousse faite de rayons de soleil. Alliance étonnante du sec (rayons) et de l’humide (mousse).
- «la lumière pleut» : Association de deux termes : le 1er employé au sens propre, le second au sens figuré. Cette image fait de la lumière, une substance liquide qui tombe avec abondance.
- «Nature, berce-le» : ‘’Bercer’’ est employé de façon métaphorique : comme si la nature (assimilée à une mère) berçait maternellement son ‘’enfant malade’’.
B)- les images concernant le soldat :
- «la nuque baignant dans
Le frais cresson bleu» : procédé métonymique où le terme propre ‘’eau’’ est supprimé, seul subsiste l’adjectif qui l’aurait qualifié ‘’frais’’. La fraîcheur aurait dû réveiller le soldat, s’il s’était imprudemment endormi dans ce lieu humide.
- «il est étendu…son lit vert» : il s’agit d’une métaphore : l’herbe est comme un lit, il y est étendu, il dort. Un lit d’herbes, un lit vert.
- «souriant…un enfant malade» : comparaison qui renforce l’impression d’un malaise ressentie par le lecteur. Evocation d’un sourire incertain, celui d’un enfant malade.
- «Nature, berce-le chaudement
Il a froid » : ‘’chaudement’’ n’est pas employé au sens propre : il est appelé par le mot ‘’froid’’, le froid de la mort. L’adverbe ’’chaudement’’ associe la nature à l’idée de chaleur maternelle.
- «Les parfums ne font pas
Frissonner sa narine» : on frissonne de froid et non à cause d’un ’’parfum’’. C’est le corps tout entier qui frissonne, et non ‘’la narine’’ seulement. Au sens métaphorique, le soldat est insensible, indifférent à toutes les sensations agréables. L’insensibilité de la mort.
- «Il dort dans le soleil» : ‘’ruisselante de lumière’’ (vers 13) est devenue ‘’le soleil’’. Cette substitution permet d’intensifier le contraste entre la vie chaleureuse de la nature et la mort, œuvre des hommes : «il dort / dans le soleil».
Synthèse partielle :
Attirer l’attention des élèves sur l’effet sémantique commun à certaines images : la nature est source de vie (natura, même origine que naître), une nature maternelle. Une vie qui se manifeste dans la verdure des plantes, le mouvement, le foisonnement de la lumière.
En revanche, les images qui concernent le soldat évoquent l’idée de mort, une mort absurde, une mort cruelle qui exclut un jeune homme (presque un enfant) de la fête (‘’chante’’) de la vie.
8 - Etude du niveau phonique et prosodique :
Relever les allitérations et les assonances et en étudier les jeux de sonorités.
Exemples :
- Vers1 : verdure - rivière
VER R R V ER
- Vers 6 : frais cresson
RE RE
Bouche ouverte, tête nue // dans l’herbe, sous la nue
u u ER ny ER u ny
Pâle dans son lit vert // où la lumière pleut
p l l ER l ER pl
Synthèse partielle :
La présence de sonorités identiques (notamment le r en plus de la répétition du mot ’’dort’’) vise à suggérer la présence de la mort.
Plusieurs termes laissent l’impression d’une similitude phonique : u
La reprise de certaines sonorités permettent de glisser d’un mot à l’autre : impression de continuité.
La reprise successive d’un nombre de sonorités identiques dans le dernier vers (une sorte de bégaiement) : impression de malaise.
9- Etude du niveau syntaxique :
Attirer l’attention des élèves sur certaines constructions :
- Certains mots devraient être réunis par leur relation grammaticale
Haillons… d’argent (rejet vers 2 et 3)
Trous… rouges (séparés par la césure vers 14)
- Certains mots désignent des éléments de la réalité séparés par la distance :
Le soleil … luit (rejet vers 3 et 4)
Souriait un en enfant malade (vers 9 et 10) : idée d’éloignement
- Certains mots sont mis en valeur par leur situation en rejet :
un soldat…dort (vers 5 et 7)
il est étendu…pâle (vers 7 et 8)
Sujet : soldat, placé au début du vers
Verbe : dort placé en rejet au début du vers 7
Adjectif : pâle en rejet, loin du sujet dont il est attribut
Pronom :il, situé au vers précédent
Découverte progressive (en se rapprochant) : un trou de verdure – une rivière – un soldat étendu – «deux trous rouges au côté droit». Du plan général au gros plan.
Les lien logiques entre les propositions sont implicites : berce-le chaudement (parce qu’)il a froid. / tranquille (parce qu’)il a deux trous rouges au côté droit.
L’emploi de l’impératif (berce-le) : exhortation/ appel à la paix.
Synthèse de la lecture méthodique
Significations majeures :
A la manière d’un peintre, Rimbaud laisse parler le tableau.
La verdure et la vie.
En opposition avec le mouvement qui anime le paysage, l’immobilité de la mort.
Contraste : - nature, puissante, bonne, qui donne la vie
- l’homme qui tue, absurdité de la guerre.
- Etat d’esprit du poète, sa vision de la condition humaine
- Faire part d’un sentiment personnel.
PLAN POSSIBLE POUR UN COMMENTAIRE COMPOSE
Quelques règles à titre de rappel : les adapter au niveau des élèves et à leur rythmes d’apprentissage.
1- Introduction :
elle présente le texte et annonce le déroulement du commentaire.
· Présenter le texte :
- indiquer le titre et l’auteur du texte
- le situer dans son contexte (l’œuvre dont il fait partie ; l’époque où il a été écrit ; le mouvement littéraire auquel il se rattache).
- dégager l’idée générale du texte et sa progression.
· Annoncer le déroulement du commentaire :
- énumérer brièvement les axes de lecture (les principaux centres d’intérêt), au nombre de deux, trois ou quatre, ils correspondent aux différentes parties du développement. Cette présentation peut se faire sous forme de questions.
2- Développement :
il ordonne les impressions produites par le texte autour de deux, trois ou quatre grandes idées et les approfondit par une étude de détail.
Ordonner le plan : organiser les axes de lecture du moins important au plus important. Ils peuvent être un thème (idée plutôt suggérée qu clairement exprimée), la progression du texte ou un problème d’interprétation lié au genre littéraire du texte (présence du narrateur dans un roman, métaphore dominante dans un poème, etc.)
Approfondir les citations : toute affirmation doit être justifiée par la citation de mots, d’expressions ou de phrases du texte suivie d’une analyse
3- Conclusion :
Elle rappelle les impressions dominantes dégagées par le commentaire et ouvre des perspectives plus larges sur l’intérêt historique, littéraire et humain du texte.
Ebauche de plan possible (entre mille) :
- Introduction : un poème construit comme un tableau, par plans successifs
- Axes de lecture à développer
1- les contrastes : entre mouvement et immobilité, entre les couleurs
2- la pudeur de l’expression : progression du poème vers la révélation de la mort, les métaphores et les périphrases
3- La révolte du poète : caractère destructif de la guerre
- Conclusion : faire part d’un sentiment personnel
Bibliographie sélective :
NAYROLLES, F. Pour étudier un poème, HATIER, Paris 1996
PAGES, A. et J. Le français au lycée, NATHAN, Paris 1982
PATILLON, M. Précis d’analyse littéraire, NATHAN, Millau 1987